Demande d’asile en Espagne
Toute personne arrivant en Espagne a le droit de demander l’asile. Lorsque vous demandez l’asile, vous avez accès à des droits importants, comme celui d’éviter l’expulsion ou d’avoir accès à un travail légal.
En Espagne, il existe trois types de protection internationale : l’asile, la protection subsidiaire et l’autorisation de séjour pour raisons humanitaires. Ces trois types de protection peuvent être évalués dans le cadre de la demande d’asile. L’Office de l’asile et des réfugiés évalue automatiquement les deux premiers. Toutefois, le troisième type de protection (séjour pour raisons humanitaires) doit faire l’objet d’une demande écrite expresse au bureau d’asile, soit lors de l’entretien, soit ultérieurement.
L’asile ou le refuge est la protection accordée aux réfugiés. Selon la loi, toute personne qui craint avec raison d’être persécutée en raison de son appartenance à un certain groupe (ethnie, race, religion, nationalité ou opinion politique, orientation sexuelle ou sexe) et qui se trouve hors de son pays d’origine peut prétendre au statut de réfugié. Cela signifie que vous devrez prouver que votre vie est en danger.
La protection subsidiaire est accordée aux personnes qui ne remplissent pas les conditions d’octroi du droit d’asile, mais qui courent un risque réel de subir des atteintes graves (peine de mort, torture, traitements inhumains ou dégradants ou menaces graves contre la vie et l’intégrité en raison d’un conflit armé).
La protection pour raisons humanitaires peut être accordée dans des situations de grande vulnérabilité en cas de retour dans le pays d’origine, le plus souvent en raison d’une maladie et/ou de difficultés d’accès au système de santé.
(info : N’oubliez pas que l’État d’origine n’aura jamais connaissance de la demande d’asile et que toutes les informations contenues dans la demande resteront confidentielles).
Comment, quand et où demander l’asile ?
Une fois en Espagne, vous pouvez demander l’asile à tout moment, mais il est conseillé de le faire le plus tôt possible. Si vous vous trouvez dans un centre d’accueil humanitaire (⇒ 05. Arrivée en Espagne), vous pouvez compter sur l’aide des ONG.
Vous pouvez demander l’asile dans les lieux suivants :
- L’Office de l’asile et du refuge à Madrid.
- Commissariats de la police nationale dans chaque province, en fonction de votre lieu d’enregistrement ou de résidence habituelle.
- Aéroports.
- Prisons et CIE (Centros de Internamiento para Extranjeros ⇒ ch. 14. Glossaire), au cas où ils voudraient vous expulser.
Dans le processus de demande d’asile, il y a deux moments très importants pour lesquels vous devrez obtenir un rendez-vous avec la police. Le premier consiste à exprimer votre volonté de demander l’asile ; le second est l’entretien avec la police.
Premier rendez-vous : obtention du “manifiesto “
Lors du premier rendez-vous, un premier document, appelé “manifiesto”, vous sera remis. Ce document vous informe que vous êtes autorisé à rester en Espagne jusqu’à la date du deuxième rendez-vous, au cours duquel vous passerez votre entretien d’asile.
Il existe différentes manières de demander le premier rendez-vous, selon l’endroit où vous vous trouvez en Espagne. Ce lien contient les coordonnées officielles pour demander le premier rendez-vous : https://www.policia.es/miscelanea/extranjeros/contacto_solicitud_asilo.pdf
Dès le premier rendez-vous, les droits suivants sont garantis : non-refoulement vers le pays d’origine, soins de santé, avocat, accès au système d’accueil, etc.
Plusieurs mois peuvent s’écouler entre ce premier rendez-vous et l’entretien de demande d’asile. Pendant cette période, le papier indiquant la date de votre entretien sert à vous protéger dans la rue contre les arrestations et les tentatives de refoulement. Gardez-le précieusement et portez-le toujours sur vous.
Si vous n’obtenez pas de rendez-vous, il est vivement recommandé d’envoyer une lettre au Bureau d’asile. Demandez un rendez-vous et informez-les des difficultés à l’obtenir, par exemple parce que la police vous oblige à vous connecter à un site web ou à l’appeler par téléphone à un horaire réduit avec très peu de rendez-vous par semaine. Si, après plusieurs semaines, vous ne parvenez toujours pas à obtenir un rendez-vous, il peut être utile d’adresser une plainte au bureau du médiateur (Defensoría del Pueblo) ou même de déposer un recours juridique auprès de l’ordre des avocats (Colegio de Abogados).
Deuxième rendez-vous : entretien de demande d’asile
La date de ce deuxième rendez-vous compte comme date de début de votre demande d’asile.
Le deuxième rendez-vous ou entretien d’asile est l’occasion de présenter des informations et des documents prouvant les raisons ou les risques qui existent en cas de retour dans votre pays d’origine (persécution, préjudice grave, manque d’accès à la santé, au logement, etc.) Il est très important que vous prépariez votre histoire bien avant l’entretien (⇒ cf ci-dessous : Comment se préparer à l’entretien).
Un mois après l’entretien, le ministère de l’intérieur doit décider s’il admet la demande à l’examen ou s’il considère qu’un autre pays est responsable du traitement de la demande d’asile (⇒ 11 : Dublin). Si vous n’avez pas reçu de réponse après un mois, il est supposé que l’État a accepté votre demande. Si votre demande n’est pas acceptée, vous disposez d’un mois pour introduire un recours auprès du ministère de l’intérieur ou de deux mois devant un tribunal, pour lequel vous devez demander un avocat auprès du barreau le plus proche (Colegio de Abogados).
Documentation pour les demandeurs d’asile
À partir du moment où vous demandez l’asile et jusqu’à ce qu’il y soit répondu, vous avez le droit de recevoir un document qui sert à prouver que vous êtes un demandeur d’asile, que vous êtes tenu de conserver et de renouveler lorsqu’il devient invalide ou qu’il expire.
Les documents officiels sont les suivants :
- Le “manifiesto” (nom officiel : “manifestación de la voluntad de presentar la solicitud de asilo” (expression de la volonté de présenter une demande d’asile), ou MVSPI) : Délivrée lors du premier rendez-vous, elle est valable jusqu’au deuxième rendez-vous.
- Tarjeta blanca” (carte blanche) (nom officiel : “Resguardo de la solicitud de asilo” (preuve de la demande d’asile)) : Délivrée lors du deuxième rendez-vous ou entretien de demande d’asile, elle est valable 9 mois. Après 6 mois, ce document vous permet de travailler.
- Tarjeta roja (carte rouge) (nom officiel : “Documento acreditativo de la condición de solicitante de protección internacional” (document attestant de la qualité de demandeur de protection internationale)) : Délivré sur rendez-vous, après 9 mois de validité de la carte blanche. Sa durée de validité est d’un an et est automatiquement renouvelable jusqu’à ce qu’il soit répondu à la demande. Ce document inclut le droit de travailler.
(info : N’oubliez pas: Si votre demande d’asile est rejetée, vous avez la possibilité d’introduire un recours juridique. Faites appel de la décision ! Pendant la période de recours, le gouvernement vous fournira d’autres documents d’identité (“Certificado de solicitante pendiente de recurso de reposición” et “Resguardo de Prórroga de Derechos por interposición de Recursos”) qui prouveront vos droits en tant que demandeur d’asile. )
Outre ces documents officiels, il existe d’autres documents très importants qui peuvent être utiles pour prouver que vous avez demandé l’asile, car ils peuvent vous protéger contre l’expulsion :
- Courriel envoyé et réponse du commissariat de police où vous avez demandé l’asile vous informant de la date de votre premier rendez-vous pour l’asile.
- Demande de rendez-vous à l’Office d’asile et plaintes éventuelles que vous avez déposées pour ne pas avoir pu obtenir un rendez-vous.
- Décision d’octroi ou de refus du droit d’asile.
- Recours contre le refus.
- Demande de “certificado de solicitante pendiente de recurso de reposición” (certificat de demandeur en instance de recours pour réexamen).
- “Auto de medida cautelar” (ordonnance de mesures provisoires), une décision judiciaire qui maintient vos droits pendant que l’appel de votre demande devant les tribunaux est résolu.
Droits du demandeur d’asile
Si vous êtes un “demandeur d’asile” en Espagne, vous avez les droits suivants :
- séjourner et circuler librement sur le territoire espagnol. Vous ne pouvez pas voyager à l’étranger avant d’avoir obtenu un permis de séjour.
- Avoir un document à votre nom en tant que “demandeur”.
- Soins de santé gratuits, moyennant un “certificado de empadronamiento” (certificat de recensement).
- Assistance juridique gratuite. Les conseils d’un avocat peuvent être obtenus par l’intermédiaire des avocats des ONG d’asile ou des barreaux espagnols.
- Un interprète dans votre langue maternelle pendant l’entretien de demande d’asile.
- Travailler. Après les 6 premiers mois suivant l’entretien d’asile et jusqu’à ce que l’affaire soit résolue.
- Accès aux services sociaux et au système gouvernemental d’aide aux demandeurs d’asile (géré par la Croix-Rouge, l’ACCEM, le CEAR, le Cepaim, etc.) pour garantir les besoins de base (logement, nourriture, pharmacie, vêtements et autres aides (voir section suivante).
- Accès à l’éducation et à la formation professionnelle et à l’emploi. Il est très important d’insister pour que vous puissiez bénéficier d’une formation professionnelle et d’une orientation professionnelle afin d’avoir de meilleures chances sur le marché du travail.
- Le droit de ne pas avoir à présenter des documents d’identité ou de famille légalisés ou apostillés.
(info : Rappellez-vous: L’asile peut vous permettre d’accéder à un travail légal. Avec un contrat de travail officiel, vous pouvez obtenir un permis de séjour “por arraigo” (⇒ chap. 5 : Résidence en Espagne). Vous pouvez également accumuler du temps car vous devez être en Espagne pendant 3 ans avant de pouvoir demander un “arraigo”).
Attention : L’État espagnol exige que vous remplissiez certaines obligations pour que vos droits en tant que demandeur d’asile ne soient pas affectés. Les plus importantes d’entre elles sont les suivantes :
- Conserver et renouveler les documents prouvant votre identité et votre statut légal en tant que demandeur. Passeport, si vous en avez un, et documents “demandeur”.
- Informer le Bureau de l’asile de tout changement d’adresse - c’est très important ! Les décisions relatives à votre demande seront envoyées par courrier à l’adresse que vous avez indiquée. Si vous ne recevez pas cette lettre à temps, vous risquez de manquer le délai de recours.
- N’oubliez pas que le fait d’enfreindre la loi en Espagne, en particulier de commettre un délit (par exemple, bagarre, insultes et menaces, agression, vol, conduite en état d’ivresse, etc.) peut rendre très difficile l’obtention de votre permis de séjour et l’octroi de l’asile.
Accès au système gouvernemental d’aide aux demandeurs d’asile
Une fois que vous avez obtenu le “manifiesto” de la demande d’asile, vous pouvez accéder au système gouvernemental d’aide aux demandeurs d’asile (“sistema de acogida en materia de protección internacional”). Le gouvernement espagnol peut vous affecter à un centre d’accueil, où vous pourrez vivre et attendre que votre demande soit traitée. Pendant cette période, votre logement et vos besoins de base seront couverts, et vous aurez accès à des ressources telles que des cours de langue.
Si vous n’obtenez pas le premier rendez-vous pour une demande d’asile, vous pouvez également entrer dans le système. Les ONG sont tenues de vous aider, mais si elles ne sont pas disposées à le faire, vous pouvez déposer vous-même une plainte auprès du ministère de l’inclusion ou du bureau du médiateur. Vous pouvez également saisir les tribunaux, avec l’aide de l’ordre des avocats (Colegio de Abogados), surtout si vous présentez des caractéristiques qui vous placent dans une situation de vulnérabilité (handicap, femme seule, famille monoparentale, âge avancé, maladie, manque extrême de ressources et/ou de réseaux sociaux et familiaux en Espagne, etc.)
L’État a confié la responsabilité du système d’accueil à des ONG. La manière d’y accéder dépend de l’endroit où vous vous trouvez, mais vous devrez normalement le communiquer verbalement aux ONG qui gèrent le programme d’accueil. Dans chaque région (Comunidad Autónoma), une organisation différente s’en charge (par exemple : Madrid, Croix-Rouge ; Galice, ACCEM ; Communauté valencienne, Croix-Rouge ; Catalogne, Croix-Rouge ; Séville, CEAR ; Cadix, CEAR) (⇒ 02 : Contacts).
Ce système d’aide se compose de trois phases auxquelles on ne peut accéder que si l’on est en possession des documents prouvant que l’on est demandeur de protection internationale (le “manifiesto” et la carte blanche). La durée de l’accueil est de 18 mois maximum.
Premier accueil (phase 0): Il s’agit d’un premier accueil de 30 jours qui se déroule généralement dans des centres collectifs (foyers, etc.). Le temps passé dans ce centre n’affecte pas la durée totale et, à partir de là, l’accueil durera 18 mois.
Accueil temporaire (phase 1) : Il s’agit de foyers ou de centres gérés par des ONG. Vous y passerez un certain temps jusqu’à ce que la décision relative à votre demande d’asile soit prise. Si l’asile et la protection subsidiaire vous sont refusés, vous avez 15 jours pour partir. Si vous obtenez le statut de réfugié ou la protection subsidiaire, vous pourrez accéder à la phase 2.
Phase d’autonomie (phase 2) : Cette phase est réservée aux personnes qui ont obtenu une protection internationale (asile ou protection subsidiaire). Il s’agit d’une aide financière destinée à vous aider à payer un loyer dans la région de votre choix. A ce stade, vous ne serez plus sous le contrôle d’une ONG, comme dans la phase 1, mais vous serez suivi.
(Attention: Si votre demande est acceptée, mais que vous obtenez une “protection pour raisons humanitaires” (troisième cas expliqué ci-dessus), vous n’aurez plus le droit de rester dans le système d’aide aux demandeurs d’asile (“sistema de acogida en materia de protección internación”)).
Comment se préparer à l’entretien et raconter son histoire ?
Lors du deuxième entretien avec la police, vous devrez raconter votre histoire personnelle et expliquer pourquoi vous devriez bénéficier d’une protection dans l’État espagnol. La crédibilité de cette histoire est très importante. Elle doit être très détaillée et indiquer les lieux, les noms et les dates exactes des événements qui vous ont poussé à quitter le pays, jusqu’à votre arrivée en Espagne.
Faits pertinents pour la demande
Les événements concernant votre persécution personnelle (attaques/menaces à votre encontre en raison de votre appartenance à un certain groupe politique, ethnique ou religieux ou en raison de votre orientation sexuelle), les conflits armés ou les maladies incurables sont pertinents pour votre demande de protection internationale.
(Attention: les situations de pauvreté généralisée ou d’absence de liberté ne sont PAS pertinentes dans ce cas).
Preuves valables
Veillez à étayer votre récit par des preuves. Cela donnera beaucoup plus de crédibilité à votre histoire auprès des autorités. Ces preuves peuvent être :
- Des photos qui montrent certaines situations/lieux de votre histoire.
- Des lettres, des courriels ou des messages facebook, des messages whatsapp, etc. qui confirment votre histoire.
- Des articles de journaux sur des événements que vous mentionnez dans votre récit ou dans lesquels vous apparaissez (attaques terroristes, résistance politique, etc.).
- Témoignages d’autres personnes qui ont eu connaissance de ce qui s’est passé.
- Toute autre preuve dont vous disposez.
Au cours de l’examen de votre demande d’asile, vous devrez peut-être passer plusieurs entretiens. Le plus important est que votre histoire ne comporte pas de contradictions et que vous disiez toujours la même chose, car la police enregistre toutes vos déclarations. C’est pourquoi il est très important d’écrire votre histoire en détail et de l’étudier très attentivement avant le premier entretien pour éviter de faire des erreurs de dates ou d’oublier quelque chose.
(N’oubliez pas: Il existe de nombreuses organisations sociales qui peuvent vous aider à préparer votre histoire. Contactez-les ! (⇒ 02 : Contacts).
(Attention: Faites attention à ne pas utiliser dans votre récit des faits connus du public si vous n’êtes pas très sûr des détails de ce qui s’est passé. Une légère différence entre ce que vous dites et la version connue des institutions peut faire douter de votre récit).
Quelles sont les réponses possibles et que signifient-elles ?
a) Décision positive
Si vous obtenez l’asile, la protection subsidiaire ou la résidence pour raisons humanitaires, vous aurez le droit de résider et de travailler légalement en Espagne.
- Si vous obtenez le statut de réfugié, votre droit de séjour sera permanent.
- Si vous bénéficiez d’une protection subsidiaire, votre droit de séjour sera de 5 ans et pourra être prolongé si la situation dans votre pays d’origine se maintient.
- Si vous bénéficiez d’une protection pour des raisons humanitaires, votre droit de séjour sera d’une durée d’un an et pourra être prolongé au cas par cas.
b) Décision négative
Si votre demande d’asile est rejetée, contactez immédiatement un avocat spécialisé dans le droit d’asile. C’est important, car il saura ce qu’il y a de mieux à faire dans votre cas particulier. En général, vous avez deux possibilités :
- Dans un délai d’un mois à compter de la décision négative, vous pouvez introduire un recours en réexamen, “recurso de reposición” (option administrative). Cela permet à l’administration espagnole de réexaminer la décision prise à votre égard. Pendant la durée de l’examen de votre demande, vos droits en tant que demandeur seront maintenus, vous pourrez renouveler votre document et travailler légalement. Pour ce faire, vous devez demander le certificat de demandeur après un mois sans réponse à votre recours. À partir de ce moment, vous pourrez demander à réintégrer le système d’aide aux demandeurs d’asile, si vous n’avez pas déjà utilisé les 18 mois.
- Dans un délai de 2 mois, vous pouvez également demander à un avocat de l’Ordre des avocats d’introduire un recours devant le tribunal (option judiciaire). Dans ce cas, il vous sera plus difficile de continuer à travailler légalement pendant la durée du recours.
(Rappellez-vous: Dans tous les cas, si vous êtes en Espagne depuis plus de 2 ans et que vous pouvez le prouver (avec des certificats d‘“empadronamiento”, des certificats de travail ou de formation), vous pourrez peut-être demander des permis de séjour sur la base de l‘“arraigo” (⇒ ch. 5 : Résidence).